Dans un monde où l’on dépense des centaines de milliards de dollars chaque année pour se soigner, une question essentielle revient sans cesse : sommes-nous véritablement en train de guérir ?La médecine moderne, influencée par les grandes industries pharmaceutiques, a imposé à la planète une approche standardisée de la santé. Les mêmes médicaments, les mêmes formules, les mêmes protocoles sont appliqués à des milliards d’individus, sans tenir compte de la diversité biologique, des trajectoires de vie, ni des environnements spécifiques. Pourtant, chaque être humain est une combinaison unique. Nos corps ne réagissent pas tous de la même manière. Ce qui soigne l’un peut perturber l’autre. C’est ici que naît une nouvelle urgence : celle de reconnaître et de renforcer ce que nous appelons la C.E.C. — Capacité à Écouter son Corps.Le corps humain est un messager. Il parle, il murmure, il alerte. Il nous dit ce qu’il supporte, ce qu’il refuse, ce qui le fatigue, ce qui le soigne. Mais dans le tumulte du monde moderne, nous avons perdu l’habitude d’écouter ce langage intérieur. Il devient alors crucial de réapprendre à observer, à ressentir, à décoder ce que le corps nous dit chaque jour.

Cette capacité d’écoute est peut-être notre plus grand outil de prévention.Un des exemples les plus évidents, c’est l’alimentation. Elle devrait être notre premier médicament. Or, trop souvent, elle est devenue notre premier poison. Produits transformés, excès de sucre, graisses saturées, additifs artificiels : nous avons déséquilibré le rapport entre le vivant et le nourrissant. Il est temps de revenir à une alimentation consciente, intuitive, adaptée à notre biologie personnelle et à notre réalité locale.Combien de fois avons-nous entendu ces déclarations présentées comme des vérités universelles : « Les carottes sont bonnes pour les yeux », « Le diabétique ne doit jamais manger d’arachide », « Il faut éviter tel ou tel aliment »… Mais en réalité, chaque corps est différent. Ce que l’un digère bien, l’autre peut le rejeter violemment. Ce que certains tolèrent sans problème, d’autres le subissent comme une agression. L’allergie elle-même est une forme de langage biologique. D’où l’importance d’apprendre à reconnaître, pour soi, ce que son corps accepte, ce qu’il rejette, ce qui le fatigue, ce qui le soutient.Il suffit parfois d’observer : certains vivent avec un taux de glycémie à 2 g/l et mènent leurs activités sans aucune gêne, alors que d’autres sont déjà désorientés à 1,10 g/l. De même, il y a des personnes qui tombent malades immédiatement après une simple piqûre de moustique, alors que d’autres semblent ne jamais rien ressentir. Même dans l’exposition aux virus, les temps d’incubation varient d’un individu à l’autre. Cela confirme une chose : le corps humain n’a pas de norme rigide – il a une trajectoire propre.Repenser la santé, c’est donc accepter une médecine plus humaine, qui valorise la singularité du patient, qui considère la prévention comme un acte fondamental, et qui n’a pas peur d’intégrer la sagesse des pharmacopées traditionnelles aux avancées modernes.

À l’ère des machines, la C.E.C. redevient notre boussole fondamentale. Car le véritable progrès ne viendra pas de ce que les algorithmes sauront diagnostiquer à notre place, mais de ce que nous saurons ressentir en silence, dans cette écoute attentive de ce que notre corps nous dit, chaque jour, parfois même avant que la maladie n’apparaisse.Et si, demain, la Capacité à Écouter son Corps (CEC) devenait la première compétence enseignée à l’école ? Peut-être qu’en réapprenant à écouter nos cellules, nous éviterions bien des crises, des douleurs, des errances. Le corps humain ne cherche pas la perfection : il cherche l’équilibre. Donnons-lui ce droit. Écoutons-le.

Magaye GAYEÉ, conomiste international Ancien Cadre de la BOAD