Amnesty International a présenté ce mardi, devant la presse nationale et internationale, son rapport annuel sur la situation des droits humains au Sénégal. L’organisation y dénonce un climat marqué par la répression, les violences policières, les atteintes à la liberté d’expression et les carences persistantes en matière de protection des plus vulnérables.
Répression meurtrière en période préélectorale
L’un des points saillants du rapport concerne les violences survenues lors de la crise politique précédant l’élection présidentielle de mars 2024. La police a fait usage de balles réelles contre des manifestants, causant la mort de quatre personnes, dont un adolescent de 16 ans. Au moins 151 manifestants ont été arrêtés en février, tandis que des journalistes ont été agressés ou interpellés. Le gouvernement a restreint l’accès à Internet mobile et suspendu temporairement la chaîne Walf TV.
Loi d’amnistie controversée et détentions arbitraires
Adoptée en mars, une loi d’amnistie met un terme aux poursuites liées aux manifestations politiques entre 2021 et 2024, couvrant notamment la mort d’au moins 65 civils. Cette mesure, bien qu’invoquée au nom de la réconciliation nationale, est critiquée par Amnesty pour avoir privé les familles des victimes de toute possibilité de justice. Par ailleurs, des centaines de prisonniers politiques, dont des mineurs, ont été libérés en début d’année sans jamais avoir été jugés.
Conditions carcérales et épidémie en prison
Le rapport mentionne une épidémie de tuberculose dans la prison de Rebeuss en janvier, exacerbée par la surpopulation et les mauvaises conditions sanitaires, illustrant les défaillances du système pénitentiaire.
Liberté d’expression sous pression
Plusieurs arrestations ont visé des opposants pour des propos critiques envers le pouvoir. Ahmed Suzanne Camara a été inculpé d’« offense au chef de l’État » en juillet, tandis que Cheikhna Keita, ancien commissaire de police, a été accusé de « diffusion de fausses nouvelles » pour ses déclarations à la télévision.
Droits des femmes, des enfants et des talibés : peu de progrès
Le Code de la famille continue de contenir des dispositions discriminatoires, notamment en conférant exclusivement aux hommes l’autorité parentale et conjugale. L’âge légal du mariage reste fixé à 16 ans pour les filles. Les recommandations émises lors des assises nationales de la justice en faveur d’une réforme du Code n’avaient toujours pas été mises en œuvre à la fin de l’année.
Les enfants talibés restent contraints à la mendicité, une pratique assimilée à de la traite des personnes. Le projet de Code de l’enfant et la loi sur le statut des daaras sont toujours en attente d’adoption, dans un contexte de sous-financement chronique de la protection de l’enfance.
Hécatombe migratoire et crise du secteur halieutique
La migration irrégulière vers les îles Canaries a causé la mort de 959 personnes en mer entre janvier et mai 2024, selon l’ONG Caminando Fronteras. Ces départs massifs, souvent depuis des zones côtières économiquement sinistrées, traduisent la gravité de la crise dans le secteur de la pêche.
Environnement : mines suspendues sur la Falémé
Face à une dégradation alarmante de l’environnement, le gouvernement a suspendu en juin toutes les activités minières autour de la rivière Falémé jusqu’en 2027. L’exploitation intensive du phosphate dans la région de Matam a également conduit à l’annonce d’un audit environnemental et à un recensement des populations affectées, en vue d’une indemnisation.