Un conseil national de la consommation avait réuni le président de la République et son Premier ministre, renforcé des membres de son gouvernement de « combat et de terrain ». Dans un style solennel et euphorique, Macky Sall a décidé de faire baisser les tarifs des denrées alimentaires, mais aussi du loyer. Mais, il lui faudra mettre le prix de la rigueur et du suivi, pour que la sentence ne finisse comme en 2014.
Les mesures édictées pour la baisse des prix des denrées et du loyer sont certes salutaires. Cependant application dans tout le pays, reste le plus important. Et déjà, aux yeux de la plupart des Sénégalais, qui n’aperçoivent plus que la queue du diable, ces mesures ne sont qu’un opium pour les consommateurs : il faut juste s’en réjouir, le temps de l’annonce. Car après va ressurgir la réalité, une fois la dose dissipée.
Les consommateurs pris entre deux feux?
C’est l’impression qui se dégage au sortir de boutiques de quartier, où se rendent toutes les catégories de populations. Les complaintes ne manquent pas, surtout du côté des dames. Car, déplorent-elles, malgré l’annonce de leur baisse, les prix n’ont pas bougé. Et la plupart des boutiquiers avoue, ne pas pouvoir appliquer les nouveaux tarifs. Leur argument est résumé par l’un d’entre eux : « J’attends d’écouler mon ancien stock ». Sans coup férir, c’est la raison servie aux pauvres vieilles. « Je n’y comprends plus rien. On nous parle de baisse de prix mais en réalité rien de réduit », se plaint, ouvertement, une dame. Qui apparemment, s’est perdue dans ses calculs. Et cette autre de s’interroger : « Pourquoi d’abord Dakar, et après les autres villes ? »
Comme quoi, déjà des signaux de résistance commencent à être émis. C’est donc une mesure qui s’annonce difficile à appliquer pour le ministère du Commerce. Il faudra, certainement, faire sortir le bâton pour faire plier les commerçants. Car, nonobstant les menaces du gouvernement, certains « coupeurs de route » se dresseront toujours sur le chemin.
« Un contrôle sur le terrain sera effectué et rien ne nous empêchera de présenter les récalcitrants devant le procureur », a laissé entendre Oumar Diallo, directeur du commerce intérieur sur les ondes d’une radio de la place. C’est une mise en « demeure » qui n’en demeure pas moins d’être anodine, puisqu’émanant d’une voix autorisée. Il est bien évident que les consommateurs sont pris entre deux feux. « Nous comptons sur la puissance de l’Etat à travers tous ses démembrement pour nous tirer d’affaires », s’est résignée une dame d’un âge avancé, tenancière d’un étale de légumes devant sa maison.
Dame Seck coordonnateur régional de SOS consommateur à Kaffrine en appelle lui à l’implication des gouverneurs et préfets pour veiller au respect de l’application des nouveaux prix.
Le loyer sans loi
S’agissant de la baisse du prix du loyer, la directive pourrait être une patate chaude entre les mains du Gouvernement. Car, l’on a toujours en tête l’échec de la loi de 2014, portant sur la baisse du loyer. Les bailleurs avaient opposé un refus catégorique à l’Etat, trouvant et exploitant même des failles à cette dite loi. Des failles par lesquelles ils passaient pour augmenter les prix, et en toute impunité. Finalement, las du jeu au dilatoire, l’Etat avait fini par capituler, au grand dam des locataires.
Cependant pour cette fois-ci, ils semblent coopératifs. Du moins, si l’on en croit aux déclarations du fondateur de l’association des bailleurs du Sénégal, Hamidou Bakary Cissé. Selon qui la décision du chef de l’Etat de baisser le prix du loyer est à saluer. « (…). On n’a pas le choix. Nous sommes obligés de nous conformer, même si cela ne nous arrange pas. Les locataires et les bailleurs sont des partenaires. Nul ne peut aller sans l’autre », a-t-il renchéri.
Dès lors, l’on peut prêter une bonne intention aux bailleurs à travers les dires du président de leur association.
Sera-t-il entendu et approuvé par ses pairs ? Car, justifiant la cherté du loyer, d’autres bailleurs ont bâti leurs arguments sur le renchérissement des matériaux de construction. Un argument que rejette, absolument le président de l’Ascosen, Momar Ndao. Pour qui aucun lien logique ne peut être établi entre les deux. Car argue-t-il, « le coût des matériaux de construction est effectivement un peu revu à la hausse avec les mesures sur le fer à béton. Mais c’est une mauvaise argumentation donnée par certains bailleurs ».
Et monsieur Ndao de renchérir, en invoquant une étude de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Selon laquelle « 52,5% des bailleurs sont des personnes qui ont reçu leurs maisons par legs, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas construit la maison et 2,5% sont des personnes qui les ont reçues en dotation. Donc au total, 55% des bailleurs ne peuvent pas invoquer la cherté des matériaux de construction pour justifier le prix du loyer ».
Sans doute que cette fois-ci l’Etat entend user toute la rigueur qui sied à l’application et à l’applicabilité de toutes ces mesures. Cela se vérifie à travers toutes les déclarations venant de ses différents démembrements. D’ailleurs, un numéro vert est mis en place à cet effet. Mais la vérité est que la majorité des citoyens est plus préoccupée à chercher le diable, que d’appeler son dompteur pour une séance de litanies obscures. Autrement, mieux vaut veiller, rigoureusement et vigoureusement, à l’effectivité de la baisse annoncée des prix que d’appeler sur un numéro qui, très souvent, ne fonctionne jamais.