La stratégie de la diplomatie sénégalaise avec les États de l’AES relève d’un réalisme que l’on avait malheureusement perdu au moment où la CEDEAO prenait les sanctions fatales (je ne l’espère pas) contre les trois pays sahéliens. La récente visite du PM au Burkina, de même que celle qui l’a précédé a Bamako, les missions de bons offices du PR au nom de l’organisation sous régionale replacent le Sénégal dans un axe réaliste que dictent nos intérêts vitaux (voisinage immédiat, relations économiques et commerciales, communauté de sécurité). Il est à noter d’ailleurs que cette « division du travail » qui met à profit la popularité du PM dans la zone ainsi que le fait qu’il soit un porte-drapeau du souverainisme dont se prévalent ces pays est d’une fine intelligence stratégique.

C’est une carte à jouer et le message de Ouagadougou et avant lui celui de Bamako ont beaucoup été axés sur le (1) rétablissement de la confiance, (2) l’expression de la solidarité et (3) l’engagement à la coopération, toutes choses qui peuvent permettre de panser les blessures et frustrations nées de la période de sanction. Il y a une asymétrie des intérêts que le Sénégal n’a pas pris en compte durant l’épisode des sanctions et qui est aujourd’hui clairement assumée pour maintenir le lien avec ces États qui sont importants pour le Sénégal.
Maintenant, il reste, au nom de cette division du travail, à déployer « l’effet Diomaye » au delà de Bamako et Ouagadougou. L’intérêt pour le Sénégal est réel, tout comme l’est (et je peux modestement en attester) l’effet de curiosité sur son président atypique. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, en déployant une diplomatie économique qui ferait du président un CEO devant vendre le Sénégal.Inc.

L’intervention a l’Africa CEO Forum largement apprécié et saluée par beaucoup dont le doyen Pape Demba Thiam dont on connaît l’objectivité est un moment de référence qu’il faudra capitaliser. Aller à l’assaut d’un monde qui attend le Sénégal. Au demeurant, l’agenda souverainiste combiné à l’effet disruptif de Trump 2.0 ne nous laissent pas le choix d’une profonde reconfiguration de notre diplomatie.
Alioune Ndiaye, auteur et chercheur en relations internationales