A force de ruses, manigances, manipulations des institutions (au premier rang desquelles l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel), à force de déni du droit et de la justice, Macky Sall s’est enfermé dans son propre piège et a mis le Sénégal en danger extrême.

Il souhaitait organiser le 31 juillet prochain des élections législatives à sa mesure. Elles devaient d’abord reposer sur la non-application de la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO qui enjoignait au Sénégal de supprimer le système de parrainage sous la démonstration qu’il ne respectait pas le principe fondamental de libre participation aux élections. C’est le système qui lui avait permis de gagner l’élection présidentielle de 2019. Son maintien devait lui assurer semblable succès à l’occasion des élections législatives de 2022.
En application d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel, il aurait dû en être la première victime puisque n’ayant pas respecté le nombre maximum de parrains autorisés. Par contre, ce système mis en place dans le seul objectif d’éliminer des candidatures gênantes n’a pu constituer un filtre suffisant pour contenir les principales listes de candidatures de l’opposition. Avec l’aide du Conseil constitutionnel, et constant dans sa logique visant à organiser des élections dont il choisit les protagonistes, il a retenu de profiter d’erreurs matérielles pour atteindre le même objectif.
Au-delà de la non-application du droit électoral sénégalais par les juges constitutionnels, comment le peuple pourrait-il accepter non seulement la dissociation d’une liste de candidats titulaires de celle des suppléants ? Mais une fois ce non-sens retenu, comment comprendre l’élimination de la liste des titulaires et non celle des suppléants parce qu’un même candidat se trouve dans chacune des listes ?

Ces faits graves se produisent dans un contexte de surchauffe que Macky Sall a lui-même créé en laissant planer le doute sur le non-respect de la limitation de ses mandats par la Constitution. Il n’a pas hésité à choisir la provocation délibérée en annonçant récemment qu’il ne pourrait réaliser ses projets pour le Sénégal en deux mandats. Ce piteux exercice intellectuel cherche à transformer un aveu d’échec économique, financier, social et politique en justificatif pour sans aucun doute modifier la Constitution ou préparer les esprits à une interprétation de notre loi fondamentale servant sa volonté. Nul ne doute qu’il obtiendrait une telle interprétation de la part du Conseil constitutionnel actuel sans aucune difficulté.

Le piège dans lequel Macky Sall s’est enfermé met malheureusement également en danger le Sénégal.
Pour sauver notre pays de la déflagration que j’ai d’abord annoncée en novembre 2020, dont les prémisses ont été vécues en mars 2021, que j’ai rappelée inéluctable en décembre 2021, il nous faut trouver rapidement la démarche permettant l’organisation d’élections inclusives, libres et transparentes le 31 juillet prochain.

Le Conseil constitutionnel s’est mis hors-jeu. Il n’a plus aucune crédibilité aux yeux des citoyens sénégalais. Si ses sept membres pensent encore le contraire, qu’ils soumettent donc leurs récentes décisions et les recours les ayant justifiées à l’examen d’un jury indépendant de constitutionnalistes d’autres pays africains et d’ailleurs.
Puisque les voies de droit sont désormais bouchées, non par des décisions rendues en conformité avec le droit sénégalais et les principes généraux du droit, mais par un souci manifeste de donner satisfaction au pouvoir organisateur des élections, la société civile doit jouer un rôle. Il est cependant indispensable qu’elle s’élargisse aux chefs religieux significatifs, khalifs des grandes tarikhas, avec un seul objectif : assurer de prochaines élections législatives inclusives et transparentes par voie de consensus.

A défaut d’un tel résultat, je crains que le moment que j’appréhendais ne soit pour très bientôt.
Le Congrès de la Renaissance Démocratique (CRD) en avait averti des chancelleries majeures en 2021. Ces dernières ont également un important rôle à jouer pour sauver le modèle sénégalais et préserver un verrou important de la stabilité sous régionale.

Puisse Dieu sauver le Sénégal.

Dakar le 9 juin 2022
Abdoul Mbaye
Ancien Premier ministre
Président de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT)