Des organisations de la société civile, des mouvements citoyens et des acteurs des médias ont lancé, ce 26 mai 2025, un appel solennel à la réforme de l’article 255 du Code pénal sénégalais, dénonçant son usage récurrent et abusif contre les journalistes, activistes et citoyens engagés.
Dans une déclaration conjointe, ils expriment leur inquiétude croissante face à la persistance de poursuites judiciaires qui, selon eux, mettent en péril la liberté d’expression dans un pays longtemps présenté comme un modèle démocratique en Afrique.
Depuis l’arrivée au pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye, plusieurs figures publiques ont été interpellées ou poursuivies sur la base de l’article 255, qui criminalise la publication de fausses nouvelles. Parmi les cas emblématiques, celui du chroniqueur Abdou Nguer, actuellement sous mandat de dépôt pour diffusion de fausses nouvelles, offense au chef de l’État et apologie de crime. Il s’agit de sa deuxième incarcération préventive en l’espace d’un mois, pour des analyses politiques diffusées sur TikTok.
D’autres personnalités ont été visées, comme Assane Diouf, Simon Faye, ou encore les militants de Pastef Azoura Fall et Ousseynou Kairé, poursuivis pour injure ou diffamation. Les cas des opposants Moustapha Diakhaté et Adama Fall, également inquiétés, renforcent le sentiment d’un usage ciblé de cette disposition pour restreindre les voix dissidentes.
Un cadre juridique jugé archaïque et dangereux
Les signataires de la déclaration dénoncent un article hérité du système post-colonial, rédigé en des termes ambigus qui ouvrent la voie à des interprétations arbitraires et à des sanctions excessives, souvent sans prise en compte de la proportionnalité des peines.
« La démocratie ne se résume pas aux élections. Elle repose aussi sur un espace civique ouvert et pluraliste », martèle la déclaration.
Les organisations rappellent que l’article 255 contredit les engagements du Sénégal en matière de droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Des recommandations claires à l’État
Pour mettre fin à cette dérive juridique, les organisations appellent l’État à :
-réformer l’article 255 ainsi que l’article 80, pour les aligner avec les normes internationales ;
-réexaminer les sanctions pénales en matière de diffamation, injure et diffusion d’informations ;
-privilégier des peines alternatives comme le sursis, les travaux d’intérêt général ou des amendes proportionnées ;
-créer un juge des détentions et de la liberté, pour mieux encadrer les incarcérations préventives ;
-renforcer l’éducation aux médias et la stratégie nationale d’information, pour restaurer la confiance et la responsabilité dans l’espace public.
À l’heure où le Sénégal cherche à consolider sa démocratie après une alternance politique historique, ces arrestations « tous azimuts » menacent de ternir l’image d’un pays respectueux des libertés fondamentales. Pour les signataires, une réforme urgente du cadre juridique s’impose pour éviter que la justice ne devienne un outil de répression.
