Une nouvelle tempête judiciaire se profile au Sénégal. Tout est parti d’un rapport accablant de la Cour des comptes portant sur la gestion des finances publiques entre 2019 et mars 2024. Le document a conduit à une saisine officielle du ministre de la Justice, Ousmane Diagne, par le premier président de la Cour, Mamadou Faye, recommandant l’ouverture d’enquêtes pénales.

Le dossier, transmis au Parquet général puis confié au Parquet financier, a été placé entre les mains de la Division des investigations criminelles (Dic). Cette dernière s’attaque désormais à un vaste réseau de comptes bancaires “hors budget”, dont l’existence pourrait révéler des pratiques financières opaques.

63 comptes bancaires hors contrôle de l’État
Selon des informations obtenues par L’Observateur, les enquêteurs se concentrent actuellement sur 63 comptes bancaires ouverts en marge du cadre légal, répartis entre une vingtaine de banques locales et internationales. Ces comptes non autorisés échappaient à toute traçabilité budgétaire.

Parmi les opérations recensées : appuis budgétaires, financement de la relance économique, gestion de fonds Covid ou encore rachat de créances. Certains comptes n’avaient même aucun objet clairement défini. À la Banque atlantique du Sénégal, six comptes ont été identifiés. La BGFI Bank en héberge huit, liés à l’entité « EPAS/État du Sénégal ». La Banque islamique du Sénégal (BIS) en détient au moins quatre.

Les premières auditions démarrent
La première personnalité à être entendue par la Dic est Aminata Faye Seck, directrice générale de la Banque islamique du Sénégal. Cette audition ouvre le bal d’un long cycle d’interrogatoires. Tous les dirigeants des banques concernées seront amenés à expliquer les flux opérés via ces comptes occultes.

Un système bancaire sous pression
La liste des établissements financiers impliqués est longue : BASN, BDK, BGFI, BICIS, BIS, BNDE, BOA, Bridge Bank, BRM, BSIC, CBAO, Crédit du Sénégal, Coris Bank, Ecobank, FBNBank, LBO, NSIA, Orabank, SGS et UBA. Une telle dispersion des comptes laisse entrevoir une stratégie de fragmentation des flux, potentiellement destinée à brouiller les pistes.

Les enquêteurs devront désormais reconstituer, pièce par pièce, ce puzzle financier. Une tâche délicate, avec en toile de fond la possibilité de malversations, de détournements de fonds publics ou de financements occultes.