Une guerre est un ensemble de batailles. On peut bien en perdre une et en gagner les autres. Au lendemain des frappes américaine sur les sites nucléaires iraniens, Téhéran doit impérativement éviter de tomber dans le piège que lui tendent actuellement les États-Unis. La République islamique gagnerait à ne pas attaquer directement les bases américaines situées au Moyen-Orient (Entre 40 à 50 000 GI), car cela offrirait à Washington un prétexte pour riposter militairement, en mobilisant notamment l’alliance atlantique dans son sillage. Cela veut dire que les États-Unis ont toujours cherché des incidents pour mobiliser l’opinion publique américaine et le Congrès avant d’entrer en guerre. L’attaque japonaise de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 pour entrer dans la Seconde Guerre mondiale et l’incident du Golfe de Tonkin le 2 août 1964 contre le Nord-Vietnam pour déclencher la guerre du Vietnam sont de parfaite illustration. L’offensive massive contre Israël, déclenchée ce matin avec plus de 35 missiles sur des cibles tactiques et stratégiques, constitue en revanche une stratégie plus pertinente. En effet, Israël représente le pivot stratégique du CENTCOM (Commandement central américain) dans la région.

En ciblant Israël, Téhéran vise donc un maillon clé du dispositif militaire américain au Moyen-Orient. L’interception de drones ennemis comme les Hermes-900 israélien permettraient l’acquisition de nouvelles technologies militaires de l’ennemi. D’un point de vue stratégique, cette posture reste légitime aux yeux de l’Iran, puisque ce serait Israël qui aurait engagé les hostilités. Comme l’affirmait Carl von Clausewitz, l’un des plus grands théoriciens de la guerre, dans son ouvrage La Guerre, la victoire peut aussi se jouer dans l’opinion publique. Dans ce cadre, la cause iranienne semble gagner du terrain sur la scène internationale, notamment grâce aux réactions critiques de certains leaders d’opinion aux États-Unis et en Europe, face à ce qu’ils perçoivent comme une escalade injustifiée de la part d’Israël et de ses alliés.

On peut prendre l’exemple du sénateur U.S. Senator Bernie Sanders et d’autres personnalités.Cette stratégie permettrait également à l’Iran de maintenir le cap sur son programme nucléaire. L’enrichissement de l’uranium dépasse déjà les 60 %, et la fermeture stratégique du détroit d’Ormuz où transite plus du 1/3 des hydrocarbures mondiales surtout vers l’Occident, offrirait à Téhéran un levier supplémentaire pour poursuivre ce bras de fer. Atteindre les 90 % d’enrichissement ouvrirait alors la voie à l’acquisition de l’arme nucléaire, un objectif de dissuasion que certains analystes attribuent à long terme à la République islamique.

Maodo Ba Doba Historien militaire contemporain Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité.