Malgré la fin de non-recevoir servi par Karim Wade et Khalifa Sall, dont il allait réhabiliter les droits civiques, le projet de loi d’amnistie, ordonné par le président de la République, suit quand même son cours. Et pour le faire passer à l’Hémicycle, le « revenant »  ministre de la Justice a fait entendre que le régime va miser sur une « majorité d’idées » pour le faire passer. Une stratégie qui ne sera pas quand même sans coup férir, avant les plénières. Pas seulement pour la majorité relative, qu’a fait tomber à l’eau leur honorable Mme Mimi Touré.

 Apostrophé, hier lors de l’émission dominicale de Iradio au sujet de leur « députée rebelle », Aminata Touré, et à propos du projet de loi d’amnistie politique, le Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall,  a indiqué que «même si elle (Mme Aminata Touré, Ndlr) vote contre cette loi d’amnistie, vous savez ce qui est intéressant dans cette nouvelle Assemblée c’est qu’on peut obtenir maintenant une majorité d’idées. C’est qu’il y a une idée qui part de la majorité ou de l’opposition et qui rallie. C’est-à-dire qui traverse le clivage majorité/opposition et qui peut rallier une majorité composée des députés de la majorité ou de l’opposition ».

Une trouvaille à hauts risques !

Le concept, à valeur stratégique, est donc trouvé : « majorité d’idées ». Il le fallait, parce qu’avec leur majorité relative perdue suite à la décision de celle qui fut la tête-de-liste de leur coalition aux élections législatives du 31 juillet dernier de siéger en qualité de député non-inscrit, c’était devenu un impératif catégorique de trouver un palliatif opérationnel, pour ne pas courir le risque de voir le projet « malmené et par ricochet souffrir la « cohabitation » dans l’actuelle 14ème législature.

Il s’y ajoute que les opposants Karim Wade et Khalifa Sall, à qui devait principalement profiter le projet de loi d’amnistie, ont décliné l’offre. Chacun à sa manière. Cependant puisque le président Macky Sall ne « regarde pas dans le rétroviseur », on ne pouvait plus compter sur le vote « mécanique » des députés de Benno, plus si majoritaires.

Une « législature de rupture, autrement ?

Euréka donc, à défaut de majorité parlementaire, ce sera la formule « majorité d’idées » ! Certes « gérer c’est prévoir », cependant la « trouvaille » révélée par le ministre de la Justice ne pourra être déroulée que bien avant les plénières. Ainsi, c’est comme qui dirait qu’à l’image de nos partis politiques, les groupes parlementaires ne le seront plus que de nom ; pour ne pas dire de simples façades. Autrement, ce sera sous ode « off the record », dans les couloirs et coulisses qu’il faudra travailler pour s’assurer une « majorité d’idées ». Par les arguments, seulement ? Pas du tout évident et rassurant. Car, les députés du groupe parlementaire « Liberté et démocratie », sous la bannière du parti du père de Karim Wade, ont été mis par celui-ci devant un choix cornélien : s’ils lui font « l’humiliation » de voter le projet de loi d’amnistie, il démissionnera et se retirera du champ politique. Qui dès lors se risquera à violer le « code d’honneur » et à quel prix dans le cercle parlementaire de la coalition Wallu, dont son père était la tête de liste lors de la campagne électorale de juillet dernier ?

La « majorité d’idées » commandera de se lever tôt à l’image d’un pèlerin avec moyens et mots, parce qu’encore, l’autre opposition réunie dans la coalition Yewwi askan wi ne sera pas du tout facile à fissurer ; surtout que ce sont ses suppléants qui ont fini par occuper les sièges des titulaires. Quid des députés « non-inscrits », Pape Djibril Fall, Thierno Alassane Sall et même Mimi Touré ? L’un d’eux sera-t-il le tendon d’Achille pour l’effectivité de la « majorité d’idées » lors du vote du projet de loi d’amnistie et des autres qui suivront ? Ce ne sera pas évident ; ceci, au regard de leurs récents discours et de leur avenir politique. Pour sûr, afin qu’il y ait « majorité d’idées », le pouvoir devra trouver, outre de blinder les 82 députés de son groupe parlementaire, au moins, une « idée » favorable à la leur dans un camp ou l’autre de l’opposition parlementaire.

En tout cas, le ministre de la Justice, que l’on dit avoir été rappelé pour une « opération commando », semble sûr du vote favorable de la loi d’amnistie politique : «Je crois qu’on peut facilement obtenir ce qu’on appelle une majorité d’idées autour de ce projet de loi d’amnistie», a rassuré Ismaïla Madior Fall. 

Le cas échéant, ce sera une autre forme de « législature de rupture ». A défaut ….

A D BADER