Le Sénégal est-il malade d’une « épidémie foncière » ? Bien sûr, répondent les faits relayés au quotidien par la presse. La gangrène s’est tellement étendue ces deux dernières décennies que les bradages et spoliations de l’assiette foncière du pays amoncellent de plus en plus des dossiers devant les cours et tribunaux. Ce qui amène à se demander quels terres et titres fonciers pour les générations de demain ?  

Derrière les spéculations et spoliations du foncier sénégalais se terrent « gros bonnets » et délinquants à cols blancs. Et si ces vrais prédateurs sont rarement conduits des tribunaux aux prisons, c’est par contre toujours le commun des Sénégalais qui est lésé, spolié et même déguerpi. Le dernier évènement en date est l’affaire des terres de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Ces terres ont failli être cédées à un promoteur immobilier privé dénommé SERTEM PROPERTIES. Le promoteur y prévoyait l’érection d’un immeuble à usage d’habitation sous le couvert de « résidences diplomatiques ». Ce qui renvoyerait loin de l’espace les pauvres administrés que sont les honnêtes et éprouvés citoyens. C’est une superficie de8600 mètres carrés de l’Ecole supérieure d’économie appliquée. Une entité de l’Ucad. Un vaste domaine que l’on a tenté d’octroyer en bail à la dite entreprise. Ce qui a soulevé le tollé et le courroux du Syndicat autonome des enseignants du supérieur (Saes). Ce qui, sans doute, a motivé le ministère de tutelle à se fendre d’un communiqué pour assurer que le deal ne passera pas et que les espaces universitaires échapperont à la boulimie des sangsues foncières. Un précédent dangereux quand même. Il n’est, hélas, que l’arbre qui cache la forêt.

Car, telle une dune de sable au gré du vent dans un désert, nos réserves foncières restent suspendues aux bonnes ou mauvaises humeurs des autorités étatiques.

Et si auparavant, la gangrène ne touchait que la tête du pays, Dakar, maintenant elle s’est étendue sur tout le corps du Sénégal : les villes de l’intérieur et même les collectivités territoriales les plus reculées du pays. « L’épidémie de la boulimie foncière» a donc partout gangréné. Qui ne souvient pas des faits récents, comme l’affaire de Madina Wandifa, une commune rurale dans la région de Sédhiou plus connue sous l’appellation de Carrefour Diaroumé. Ndingueler, dans la région de Thiès. Avant, c’était entre autres « usurpations » le drame de Fanaye en 2009, avec l’affaire Senhuile Ethanol.

Et si on revient dans l’espace où la « lumière » est censée être et faire la « loi », une affaire similaire à celle qui faillit amputer l’Esea a opposé ces dernières semaines l’Université Iba Der Thiam de Thiès à la mairie de la capitale du rail. Et pour en faire échos, étudiants et enseignants avaient manifesté leur indignation dans les médias, accusant le maire de la ville de vouloir les dépouiller de leur patrimoine. Le maire de cette ville, Docteur  Babacar Diop, comme il aime se faire nommer, est pourtant un universitaire.

Dans ce sillage la réserve foncière de l’hôpital Aristide Le Dantec est aussi pendante devant les « tribunaux populaires ». Dans cette affaire également l’Etat est soupçonné de vouloir jouer au dilatoire. On lui reproche la sempiternelle question de spoliation ou bradage foncière. C’est selon.

Et dans tous ces contentieux, l’impunité semble régner en maître. Au grand dam du peuple. Médusé, abusé et désabusé, il ne sait plus à quel Saint se vouer. Même le législateur tarde encore à résoudre de façon définitive cette équation, dans la quelle des inconnues de sa famille sont contenues.
Pourvu que l’ébullition ne fasse sauter le couvercle social !