Le gel des décaissements du Fonds Monétaire International (FMI) pousse le Sénégal
intensifier sa mobilisation de ressources via des emprunts obligataires (APE) ouverts à tous. Si
cette stratégie répond aux besoins immédiats de l’État, elle génère un risque majeur et sousestimé : la fragilisation du système bancaire national, pris en étau entre les exigences de
financement public et celles de l’économie réelle.

Traditionnellement, l’épargne des particuliers et des entreprises, via les dépôts à terme (DAT),
constitue la base sur laquelle les banques s’appuient pour octroyer des crédits. Or,
l’introduction régulière d’APE, souvent assortis de taux d’intérêt attractifs (parfois supérieurs
aux DAT bancaires), crée un effet d’éviction. Les souscripteurs privilégient ces titres publics,
jugés moins risqués et plus rémunérateurs, au détriment des dépôts bancaires.

Cette concurrence directe avec le Trésor public entraîne inévitablement :
✓ Une baisse des dépôts dans les établissements financiers ;
✓ Une raréfaction des ressources à moyen et long terme, pourtant essentielles pour le
financement des projets économiques ;
✓ Un risque de désintermédiation financière et, par conséquent, une raréfaction du
crédit, car moins de dépôts signifie moins de fonds à prêter.
En court-circuitant le système bancaire pour se financer directement auprès du public, l’État
affaiblit la position centrale des banques dans le financement de l’économie. Cette situation
s’apparente à une concurrence déloyale. L’État, en tant qu’émetteur “sans risque”, même face
à ses propres difficultés, capte une part cruciale de l’épargne que les banques auraient pu
transformer en leviers de croissance. Les entreprises privées en subissent de plein fouet les
conséquences, peinant à trouver les ressources nécessaires au financement de leurs projets,
ce qui risque d’entraîner un désinvestissement privé.

Pour préserver la vitalité du secteur bancaire et sa capacité à soutenir l’économie, il est
impératif d’envisager des solutions :
✓ Limiter la fréquence et les montants levés via les APE, afin de ne pas assécher le marché
monétaire local ;
✓ Favoriser des synergies avec les banques, en les intégrant davantage dans le placement
des titres d’État.
Le recours aux emprunts obligataires APE, bien que compréhensible dans un contexte de
restrictions budgétaires, ne doit pas compromettre la stabilité du secteur bancaire, moteur
essentiel du financement de l’économie sénégalaise.
©️Aly Ngouille SARR,
Banquier de formation