• Résultats des investigations
Les investigations menées ont permis de confirmer la quasi-totalité des griefs soulevés par le plaignant. Selon lui, sur les actes d’acquiescement, Seydou Sarr apparaît comme un exproprié alors qu’il n’a jamais été propriétaire. En effet, l’expropriation dont il fait état découle, non pas d’une mutation de propriété du TF 1451/R mais plutôt d’une ‘’créance’’ acquise auprès de Ndiaga Ndoye et consorts.

A l’évidence, la lecture des deux actes d’acquiescement respectivement établis pour SOFICO et CFU, représentées par Seydou Sarr, renseigne que ce dernier est bénéficiaire d’une cession de créances en date du 17 novembre 2016 établi devant Me Ndèye Lika BA, notaire.

Entendue, cette dernière soutient que l’acte de cession sous seing privé a été établi hors son cabinet. Elle déclare s’être contentée uniquement de recevoir ledit acte déjà établi, en guise de simple dépôt.

En effet, l’achat de créances portant sur un titre foncier ne donne pas droit à la propriété dudit immeuble, laquelle requiert une inscription du nom du propriétaire dans les livres fonciers. Le Président de la CCOD rappelle à ce sujet qu’il n y a « pas de droit sans inscription, ni d’extinction sans radiation » et qu’en l’absence de propriété, l’on ne peut prétendre à une expropriation conformément à la loi n° 76-67 du 02 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique.

En outre, le plaignant affirme que Ndiaga Ndoye et consorts ne détenaient aucune créance sur l’Etat car les droits patrimoniaux des familles héritières n’ont été inscrits dans les livres que sur une superficie de 121ha 17a 07ca du TF 1451/R déjà grevés de charges, notamment la pré-notation effectuée au profit de la SN HLM. Or, cette inscription devrait porter sur l’ensemble du terrain d’une superficie de 258ha, conformément à l’arrêt n° 01/12 du 09 février 2012 de la Cour d’Appel de Kaolack.

La demande d’indemnisation introduite par les familles héritières, suite à une expropriation sur le TF 1451/R, pour cause d’utilité publique, a été suspendue par la C.C.O.D depuis le 19 janvier 2016, laquelle n’a jamais émis d’avis favorable sur ladite demande. Aucun acte pouvant attester la reconnaissance de créance de la part de l’Etat vis-à-vis des familles héritières n’a été présenté durant l’enquête.

La supposée créance des familles héritières n’existant pas, elle ne pouvait être cédée. D’après l’article 266 du Code des obligations civiles et commerciales, « la chose vendue doit exister au moment du contrat. Néanmoins, la vente de choses qui n’existent pas encore est conclue sous la condition résolutoire qu’elles existeront et seront livrées. »

Selon les termes du plaignant, à la date de saisine de l’OFNAC, Ndiaga Ndoye et consorts restaient les propriétaires exclusifs du titre foncier 1451/R.

Il est apparu que les familles héritières, titulaires des droits réels sur le TF 1451/R d’une contenance

121ha 17a 07ca jusqu’à la date du 07 mai 2018 ont cessé d’être propriétaires d’après l’état de droits réels du 20 juin 2018, déposé par le Directeur général de la SN HLM ; société devenue propriétaire dudit titre foncier.

Autre grief soulevé par le plaignant, l’existence d’une commission de conciliation dont on ignore les membres et la composition qui se serait « réunie le 21 août 2017 pour décider sur un même titre et par deux actes au profit de la même personne utilisant deux sociétés lui appartenant ».

Conformément au décret n° 77-563 du 3 juillet 1977 portant application de la loi n° 76-67 du 02 juillet 1976 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux autres opérations foncières d’utilité publique (article 9), la Commission de Conciliation est dirigée par le Gouverneur de Dakar qui convoque, suite à sa saisine par l’administration des Domaines, les membres composés, principalement du Chef du Bureau des Domaines de Ngor-Almadies, représentant le Directeur des Domaines (et ou l’ancien Directeur Régional des Domaines), les expropriés ou leurs représentants, les chefs des services techniques compétents et le Maire.

Toutefois, lors de sa réunion du 21 août 2017, il est établi que le Gouverneur, président de la Commission n’a convoqué ni les services techniques, ni le maire concerné.
Cette réunion n’a été tenue qu’entre le Gouverneur de Dakar, le chef du Bureau des Impôts et Domaines de Ngor Almadies et le représentant des prétendus expropriés, à savoir les sociétés SOFICO et CFU.

Il y a lieu de préciser que si la société SOFICO est concernée par l’acte de cession de droits, actions et créances contesté, tel n’est cependant pas le cas de la société CFU qui est « subitement apparue » lors de cette réunion de conciliation, puis sur l’un des actes d’acquiescement ; toutes choses qui laissent subodorer une volonté de fractionner l’important montant de l’indemnisation arrêté lors de cette réunion.

La CFU a donc bénéficié de façon indue d’un titre de paiement au préjudice de l’Etat.
Le plaignant souligne également que le prix au mètre carré retenu pour le calcul de l’indemnité d’expropriation pour cause d’utilité publique était supérieur au barème d’indemnisation des victimes du Train Express régional (TER) dans la même zone et au barème prévu par le décret n°2010-439 du 06 avril 2010 abrogeant et remplaçant le décret n° 88-74 du 18 janvier 1988 fixant le barême du prix des terrains nus et des terrains bâtis, applicable en matière de loyer.

Les participants à la réunion de la Commission de Conciliation du 21 août 2017 ont retenu un prix au m2 de 37.000 FCFA, de loin supérieur aux taux pratiqués (27 000 FCFA) pour les projets majeurs de l’Etat (autoroute, BRT, TER) alors même que le site foncier concerné n’est pas impacté par les grands travaux de l’Etat.

Interrogés sur cette différence, le Gouverneur Fall et le Chef du Bureau des Domaines de Ngor- Almadies ont invoqué les dispositions d’un décret prévoyant le principe d’un taux d’inflation de 10% qui doit être ajusté tous les 02 ans à compter de la date dudit texte réglementaire. Toutefois, aucun texte législatif, encore moins réglementaire indiquant clairement ce « taux d’inflation de 10% » n’a été produit par ces derniers.

Pour rappel, le barème stipulé par le décret n° 2010-439 du 06 avril 2010 susvisé est de 27.000 frs CFA maximum par mètre carré en cas d’harmonisation pour le titre foncier, d’où une différence nette de 10.000 f rs CFA par m2 indûment accordée aux soi-disant expropriés, au préjudice de l’Etat ; ce qui a permis, selon le plaignant, d’allouer à Seydou SARR représentant les sociétés SOFICO et CFU, la somme de quatre-vingt-quatorze milliards sept cent quatre-vingt-trois millions cent cinquante mille alors que ni lui, ni ces sociétés n’ont jamais détenu de droit de propriété sur le titre en question.

En effet, le titre foncier en question demeure encore la propriété exclusive de Ndiaga Ndoye et consorts tel qu’il ressort de l’état de droit réel en date du 04 novembre 2017.

Par ailleurs, le plaignant déclare que la SN HLM, au profit de laquelle l’expropriation de la SAIM Indépendance a été prononcée, n’a été associée, à aucune étape de cette procédure d’indemnisation.

Sur ce point, il convient de noter que l’état des droits réels du TF 1451/R délivré le 20 juin 2018 est au nom de la SN HLM. Celle-ci a d’ailleurs déjà libéré le montant de 605.853.850 frs CFA, en guise d’indemnisation sur les 121ha 17a 07ca occupés pour les besoins de la réalisation du projet des parcelles assainies de Keur Massar- Rufisque.

En définitive, il y a eu deux procédures d’indemnisation suite à une expropriation pour cause d’utilité publique sur les 121ha 17a 07ca du même TF 1451/R :

‒ la première concernait l’Etat du Sénégal, expropriant la SAIM Indépendance au profit de la SNHLM. L’acte d’acquiescement du 15 avril 2008 présenté par le Directeur général de la SAIM Indépendance indiquait le montant de 605.853.850 frs CFA déjà déboursé et déposé au Trésor public par la SN HLM mais non encore encaissé par SAIM INDEPENDANCE dont les droits sur le TF 1451/R ont été finalement radiés suivant l’arrêt n°01/12 du 09 février 2012 de la Cour d’Appel de Kaolack ;

‒ et la deuxième concernait l’Etat du Sénégal et la société SOFICO, acquéreur de « créances » auprès des héritiers Ndiaga Ndoye et consorts. L’un des 02 actes d’acquiescement, daté du 22 août 2017 et relatif aux 121ha 17a 07 ca indiquait le montant de 44.227.305.500 FCFA déduction faite du montant de 605.853.850 FCFA sus-indiqués à cause de la radiation évoquée plus haut au préjudice de SAIM Indépendance.

Pour rappel, avant l’achat de « créances » par la SOFICO, une demande d’indemnisation des héritiers a été reçue par la CCOD pour avis en 2016. Celle-ci, après avoir suspendu l’affaire, avait recommandé de « ré instruire le dossier par rapport à la première expropriation et de recueillir l’avis de la SN HLM sur les conditions de son occupation des 121ha 17a 07ca ».

Ces recommandations n’ont pas été suivies. La commission de conciliation du 21 août 2021 a été saisie directement du dossier afférent à la deuxième procédure d’indemnisation, sans avis préalable et obligatoire de la CCOD. Même la SN HLM, bien qu’occupante du site foncier concerné et initiatrice d’une pré- notation suivant ordonnance n°1036/013 du 12 juin 2013 délivrée par le juge du Tribunal Hors Classe de Dakar, n’a été informée de cette réunion de conciliation.

Toutes ces entorses à la procédure régulière pourraient faire penser à une volonté inavouée des fonctionnaires concernés de tirer le maximum de profit pour SOFICO et CFU dans une seconde procédure d’indemnisation, tout en sachant qu’il y a eu un premier cas d’expropriation ayant abouti à une indemnisation portant sur le montant de 605.853.850 frs CFA.

Les éléments de fait ci-dessus relatés pourraient permettre de retenir les infractions suivantes :

‒ association de malfaiteurs, fait prévu et réprimé par les articles 238 à 240 du Code Pénal ;

‒ escroquerie portant sur des deniers publics, fait prévu et réprimé par les articles 152 à 154 du Code Pénal

‒ tentative d’escroquerie portant sur des deniers publics

‒ complicité d’escroquerie portant sur les deniers publics

Le dossier a été transmis au Procureur de la République.

4- Collectif des habitants de la cité Salama sise à Rufisque-Est contre la famille « feu Elhadji Mamadou Ndoye » et autres pour des faits supposés de tentative de corruption et d’occupation sans droit, ni titre, de terrains.