Le monde entier assiste médusé, à la guerre entre  la Russie et l’Ukraine. En effet, depuis bientôt trois mois, nous assistons impuissants devant nos petits écrans au spectacle macabre d’une tragédie humaine qui voit les morts entassés  et jetés dans des fosses communes et  dans l’indifférence généralisée. Une guerre meurtrière et dangereuse qui secoue les consciences et fait planer le doute sur le vécu de l’humanité et sur la fragilité de son existence.

La Russie, première puissance nucléaire du  monde a malgré son potentiel militaire,   perdu en moins de trois mois plus de 20.000 hommes, là où en quinze années de guerre l’ Afghanistan n’a enregistré que 15.000 morts, pour mesurer l’ampleur de la catastrophe et pour dire surtout que le plus fort n’est toujours pas  assez fort pour être le Maitre. Toute guerre renferme une dimension complexe puisqu’en dehors des rapports de force sur le terrain, il faut une Stratégie, des Soldats mobilisés et engagés mais aussi et surtout une grande Capacité  militaire. 

A l’origine de cette guerre, il faut remonter à la dislocation de l’Empire soviétique avec Michael Gorbatchev, qui a vu une cascade de pays de l’est, jadis appartement à la Fédération de Russie ou au pacte de Varsovie rejoindre l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sous la tutelle américaine et des pays occidentaux.

La Russie a plusieurs fois averti et demander à l’occident d’arrêter ce renforcement perpétuel de l’Otan qui est une menace pour sa sécurité. Les pays occidentaux n’ont eu comme réponse que d’affirmer la souveraineté des états d’adhérer à n’importe quel bloc de leur convenance. Avec Gorbatchev, il était question à travers un protocole verbal, de ne pas recruter dans l’Otan les nouveaux pays issus de l’ex fédération de Russie.

L’Ukraine, un grand pays contigu à la Russie a été le prétexte car, pour le président Vladimir Poutine, la sécurité existentielle de la Russie est menacée.
 La lecture qu’on peut en faire est que la paix et la stabilité du monde reposent sur des bases fragiles et qu’aujourd’hui et manifestement, des pays comme la Russie, la Chine, l’Inde et l’Indonésie ne veulent plus d’un monde unipolaire avec un seul gendarme que constituent les Etats Unis. 

Les occidentaux doivent revoir leurs comportements de puissance dominatrice, à chaque fois  qu’il s’agit de l’Europe ou des Etats Unis, on parle de « communauté internationale » si c’est en dehors de l’occident on dit la Chine, ou l’Afrique ou le Moyen Orient. Depuis combien de temps Israël commet des génocides en terre palestinienne sous la barbe et la bénédiction des Américains. Sans compter les guerres unilatéralement déclenchées par les USA et leurs alliés occidentaux en Irack,  en Libye ou en Afghanistan dans l’ignorance totale de l’ONU qui a étalé et qui étale encore son impuissance. C’est pourquoi Poutine a attendu la visite d’Antonio Goutterais pour bombarder Kiev, c’est une façon de protester contre « les deux poids deux mesures » de l’ONU. 

Dans tout cela quelle doit être la position de l’Afrique ? je crois que l’Afrique doit jouer la carte de la neutralité dans cette guerre. Au fond, l’intérêt du continent réside dans l’avènement d’un monde multipolaire. Le Président Macky Sall est très écouté dans le monde et il a un rôle à jouer pour des propositions de sortie de crise. Il en a la carrure et l’envergure. Poutine a certes violé le droit international en s’attaquant à l’Ukraine mais les occidentaux sont aussi responsables de ce dérapage pour avoir poussé la Russie jusqu’à son dernier retranchement. Aujourd’hui, l’Afrique doit jouer la carte d’une nouvelle approche multipolaire et s’affranchir des relations séculaires bilatérales issues de la colonisation. La Covid 19 et la guerre en Ukraine nous montrent à suffisance la fragilité de nos économies et le caractère foncièrement interdépendant de nos économies.
L’Afrique doit comprendre que la balkanisation actuelle du continent n’a pas d’avenir dans un monde où les plus forts cherchent encore à se regrouper pour résister davantage aux chocs exogènes et faire face davantage aux agressions extérieures de toutes sortes.

Le minimum que les africains puissent et doivent faire est d’accélérer l’intégration sous régionale, régionale voire continentale pour pouvoir peser sur les décisions d’un monde de plus en plus régi par les rapports de forces à la fois économiques et  militaires. L’Afrique doit s’unir et mettre sur pied une armée continentale adossée à des laboratoires de recherches sur la science et la technologie. Kwamé Krumah, Cheikh Anta Diop ont fait ce cri de cœur jusqu’à leur disparition.

Pour trouver une issue à cette guerre qui est une menace réelle pour l’humanité les décideurs mondiaux doivent prôner la paix. La Russie, l’Ukraine et leurs alliés doivent s’asseoir autour d’une table pour faire des compromis. Le soutien militaire à l’Ukraine ne fait que prolonger la souffrance du peuple ukrainien  déjà suffisamment meurtri. Le Président Macron a raison, sa posture de maintenir le dialogue avec Poutine est tout à fait lucide. Il faut donner une chance à la Paix.. On  doit privilégier le dialogue car toute guerre, si complexe soit-elle,  finit sur la table des négociations.

Aujourd’hui le monde est inquiet et tout le monde, sans le dire ouvertement, vit  la hantise d’une confrontation nucléaire qui pourrait sonner le glas de l’humanité toute entière. L’ONU doit jouer son rôle ou à défaut, elle doit être repensée et réformée. Cette guerre en Ukraine aura forcément un impact dans la nouvelle  configuration  d’une  géopolitique mondiale en gestation.
Dr Moustapha Samb
Enseignant Chercheur Cesti/Ucad