Le Cored a pour mission de veiller au respect, par les journalistes, les techniciens des médias et les entreprises de presse, de l’éthique et de la déontologie. Cet organe d’autorégulation s’appuie sur cinq entités que sont l’assemblée générale, le directoire, le bureau, le tribunal des pairs et le secrétariat permanent pour mener à bien ses missions. Par ses démarches et méthodes pédagogiques, le Cored s’impose comme un interlocuteur crédible et fiable. Et c’est avec une fierté « démesurée » que son président, Mamadou Thior, lui-même journaliste capitalisant une vingtaine d’années parle de cet organe d’autorégulation Sénégalais.
Pouvez-vous nous faire la genèse du Cored ?
Oui. Il faut dire que nos anciens qui avaient en mis en place le Cred au début des années 2000. Le Cred (conseil pour le respect de l’éthique et de la déontologie) à un certain moment battait de l’aile, ça fonctionnait plus comme il se devait. Ils ont transformé le Cred en Cored en 2009. Ce Cored va connaitre la même situation. C’est en 2014 qu’on a vraiment relancé le Cored dans sa forme actuelle. Et depuis lors, franchement, l’organe d’autorégulation qui est le Cored connait sa vitesse de croisière. La chance que nous avons eue quand nous l’avons relancé en 2014 est que le code de la presse qui était en souffrance à l’Assemblée nationale a été renvoyé. Et fort heureusement, c’est en 2017 que ce code de la presse a été adopté et nous avons profité de ce processus pour faire reconnaitre le Cored. Tel n’était pas le cas, car le Cored jusqu’en 2017 n’était pas reconnu. Donc on faisait vraiment de la diplomatie et on expliquait aux gens que c’est notre bébé à nous tous. Mais nous n’avions pas de bases légales. Depuis 2017, Cored s’impose à tout le monde qu’on le veuille ou non, il aussi reconnu que le régulateur qui est le conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra).
Et quelles sont les missions du Cored ?
C’est comme le dit l’acronyme : le respect de l’éthique et de la déontologie fondamentalement. Nous sommes les gardiens des bonnes pratiques journalistiques. Ce qui fait que nous surveillons au jour le jour les contenus journalistiques pour voir s’il y a des choses à recentrer, ou des choses qui ne vont pas dans la bonne direction. Et si c’est le cas, nous invitons les responsables et les auteurs de ces écris ou de ces publications à revoir les choses. De manière générale nous défendons le respect de l’éthique et de la déontologie.
Parlez-nous aussi des attributions du Cored ?
Nous avons beaucoup d’attributions. Elles sont au nombre de quatorze parmi lesquelles. Il y a la défense de l’enfance. Nous ne transigeons pas sur la façon de traiter l’enfance. Nous y veillons vraiment. Et beaucoup d’autres attributions, par exemple : nous promouvons l’éducation au média, nous défendons la liberté d’expression et de presse et le droit du citoyen à une information plurielle équilibrée et exacte, entre autres. Nous promouvons l’équité hommes, femmes dans les média, spécifiquement en veillant au respect de la dignité de la femme dans les contenus journalistiques. Nous promouvons aussi les bonnes pratiques. Nous proposons des distinctions honorifiques à décerner aux journalistes, techniciens des média entre autres.
Le Cored fidèle a ses fondamentaux qui sont l’éthique et la déontologie dans la pratique du journalisme, vous est-il arrivé de soulever des dérives allant à l’encontre de ce que défend votre organe d’auto- régulation ?
Tout à fait. Le problème qu’on a au Sénégal, surtout pour ce qui est de la presse en ligne et des réseaux sociaux. C’est qu’on n’applique pas les textes. Moi, je suis convaincu que rien que pour les bonnes dispositions qui figurent dans le code de la presse. On peut régler grandement cette question de laisser- aller dans les raisons sociaux mais surtout la presse en ligne. C’est bien spécifier dans le code de la presse à quoi la presse en ligne doit ressembler. Pour qu’un site soit reconnu. On dit dans le code de la presse que le site doit avoir au minimum trois journalistes formés à bonne école, diplômés d’une école reconnue par l’Etat. Le premier fait office d’administrateur. Et il doit capitaliser dix ans d’expérience. Le deuxième assure le rôle de rédacteur en chef, avec sept années d’expérience. Pour le troisième journaliste, il n’y a aucune exigence. Il peut même sortir nouvellement d’une école de journalisme. Au fait, à la base nous voulons que ces trois tirent vers le haut le reste du groupe. Nous partons de l’idée que quand tu as ces trois journalistes ils peuvent encadrer les autres.
Vous disposez d’un tribunal des pairs. Quelle est son importance ?
Le tribunal est composé de doyens qui ont capitalisé une vingtaine, voire quarantaine d’années d’expérience. Il est composé de 12 membres qui statuent en première et en seconde instance. L’idée, c’est que quand vous êtes devant cette auguste assemblée. Vous savez pertinemment à qui vous avez affaire. Donc ce n’est pas des gens que vous pouvez impressionner. C’est un choix que nous ne regrettons pas. Nous faisons aussi beaucoup dans la pédagogie. Parce que si vous regardez les décisions rendues, vous allez y voir des enseignements. Même si on vous sanctionne, on vous explique la prochaine fois la posture qu’il faut adopter. Nous mettons beaucoup en avant la pédagogie même dans les sanctions.
Et parlant de saisines, le Cored doit avoir du pain sur la planche, au regard de ce qui se passe dans la presse en ligne et les réseaux sociaux ?
On vient de démarrer un nouveau tribunal. L’ancien tribunal a épuisé son mandat au mois de septembre 2023. Le mandat du tribunal est de trois ans. En trois ans de mandature le tribunal sortant était à quarante- et- une (41) affaires vidées. Sur les quarante- et- une je pense que les vingt-six (26) étaient des auto-saisines et les quinze (15) des plaintes. Il est bon de sanctionner. Mais à la base nous voulons que la presse épouse de bonnes pratiques pour que le tribunal n’ait plus sa raison d’être. Nous arrivons à faire du monitoring et à nous autosaisir. Nous recevons de plus en plus beaucoup de plaintes parce que et ça je dois le saluer, le Cored a acquis une certaine notoriété auprès des Sénégalais. Je ne sais pas combien de fois nous sommes saisis pour s’enquérir de notre méthode de travail. Et ça on doit le saluer. Cela illustre une certaine relation de confiance entre les Sénégalais et le Cored.
Est-ce qu’il vous arrivé de rencontrer des réticences de part et d’autre ?
Dans l’ensemble c’est très rare. Je dois saluer le fait qu’auprès des confrères nous avons vraiment une écoute attentive. Ils comprennent que le Cored ne sera que ce que nous en faisons. Si nous le fragilisons, c’est nous qui perdons. Mieux vaut laver le linge sale en famille.
Le Cored milite également pour un journalisme libre et responsable ?
Absolument. Parce que la responsabilité et la liberté vont de pair. C’est dans la responsabilité qu’on défend notre liberté de presse. Il ne faut pas penser que le journalisme c’est du laisser-aller. C’est vraiment une responsabilité. Parce que la matière première que nous utilisons peut être une arme de destruction massive. D’où cette responsabilité que nous ne devons pas oublier en tout temps et tout lieu.
Envisagez-vous de nouer ou est-ce que vous avez noué des partenariats avec d’autres organes d’autorégulation dans la sous-région et dans le reste de l’Afrique ?
Oui. L’affiche derrière moi le montre. (sur l’affiche il est écrit wébinaire sous régional. Thème : régulation de la presse en ligne et des réseaux sociaux). C’était presque à la fin de la période du Covid 19, nous avions convié tous les collègues des autres organes d’autorégulation de l’Afrique de l’Ouest francophone. C’était une dizaine de pays plus la Mauritanie. C’était un wébinaire de deux jours. Il y a une collaboration. Nous devons même relancer une structure qui regroupait tous les organes d’autorégulation de la sous-région qui est tombée en hibernation. Là nous sommes en train de voir comment la relancer. Nous sommes en train de voir comment compter sur le soutien de l’UEMOA (Union économique et monétaire des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Pour vous dire à quel point le Cored a acquis une notoriété, voire une importance capitale. Nous sommes en train d’accompagner la Guinée pour mettre en place un organe d’autorégulation. Parce que l’ancien n’existait plus que de nom. Le Mali également vient de faire appel à nous pour les aider à mettre en place un organe d’autorégulation.
Par Babou DIALLO