Un vent nouveau souffle sur la côte Ouest africaine. Des barricades sont érigées, partout contre d’éventuels troisièmes mandats. Car il faut bien le préciser une suspicion est bien entretenue dans certains Palaces. Dans bien des pays de la sous-région le troisième mandat est devenu un sujet de prédilection. Des chefs d’Etat s’adjugent de tous les droits pour modifier des articles de la Constitution pour briguer un troisième mandat, avec une gomme et un crayon à la main.

En République de Guinée par exemple, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) est né le 14 octobre 2019. Ce mouvement est un regroupement civique dont le but était de s’opposer contre la modification ou l’adoption d’une nouvelle Constitution. Qui a permit à Alpha Condé de briguer un troisième mandat. Devant l’entêtement et le forcing du Professeur Condé, ce dernier s’était taillé une Constitution sur mesure lui permettant incontestablement de prolonger son bail au Palais Sékoutoureya. Ceci contre la volonté populaire.

 Dans son bras de fer contre les leaders du FNDC dont Oumar Sylla alias Foniké Mengué (coordonateur national du FNDC), la répression fut violente et sanglante. Des dizaines et des dizaines de blessés et des arrestations jugées arbitraires furent enregistrées dans les rangs du mouvement de contestation. Ainsi le vieux dinosaure de la politique Guinéenne a fini par imposer sa volonté. Devant son entêtement à réprimer tout opposant à son régime, un jeune colonel issu de ses flancs a fini par le déposer, ce 5 septembre 2021 : le colonel Mamady Doumbouya. Applaudi et loué à cet effet, le colonel bénéficiera même d’un état de grâce.

Mais depuis un  certain temps, il semble s’égarer dans ses propres « prairies ». Et un climat de tension règne en ce moment entre lui et le FNDC. Ce dernier a repris du poil de la bête. L’interdiction « jusqu’aux périodes de campagne électorale » de toute manifestation sur la voix publique «  de nature à compromettre  la quiétude sociale et l’exécution des activités », est la goutte de trop qui a fait déborder le vase. Alors, il s’en suit un dialogue de sourd entre les deux protagonistes.

 En Côte d’Ivoire Ouattara, également, a son troisième mandat. Lui qui avait édifié ses compatriotes quelques mois avant les élections en désignant son dauphin Amadou Gon Coulibaly comme candidat du RHDP. Malheureusement celui trépassa à trois mois des élections d’octobre 2020. A toute chose malheur étant bon, Ouattara va surfer sur cette vague pour briguer un troisième mandat. Qu’il remporte haut la main. Il faut dire que la société civile ivoirienne est très en retrait dans la lutte pour la défense de la Constitution. En première ligne de cette bataille l’on retrouve le plus souvent les partis politiques classiques.

Pour apporter du répondant au Président Ouattara, Guillaume Soro, ex- président de l’Assemblée nationale avait mis sur pied le mouvement citoyen Génération et Peuples solidaires. Un mouvement que l’ancien gouverneur de la BCEAO finit par étouffer dans l’œuf, en exilant son fondateur. Certainement conscient du danger que représentait l’ancien Président de l’Assemblée nationale.

Son voisin immédiat le Burkina Faso a aussi son régulateur des mandats : le balai citoyen (fondé  en 2013)  dont à sa tête le célèbre rappeur Smokey. Ce mouvement se réclame de l’héritage et des idéaux de Sankara. Le balaie citoyen est connu surtout pour son opposition à  l’ancien Président déchu, Blaise Compaoré. A son paroxysme à la tête du pays des hommes intègres, “l’ami” de Thomas Sankara n’a pu résister à la poussière des coups de balai de Smokey et compagnie dans les rues de Ouagadougou. En octobre 2014 avec détermination et hargne les derniers coups de balai s’accélèrent et finissent par emporter l’homme fort du Palais de Kossyam le 31 de ce même mois. C’était la fin de 27 ans de règne sans partage.

Avec cette cohorte de mouvements citoyens qui s’érigent en bouclier pour la défense de la Constitution et des valeurs de la démocratie, le Sénégal a connu le mouvement y’en a marre. Ce mouvement a eu le vent en poupe dès sa création en janvier 2011. Ce collectif était constitué de rappeurs, de journalistes, d’étudiants entre autres. Aidé en cela par les coupures intempestives qui avaient fini d’installer le Sénégal dans une impasse, le mouvement citoyen a vite gravi les échelons. Il a été de toutes les luttes contre le troisième mandat du Président Wade. A cet effet, une campagne de dénigrement et de diabolisation du régime du prédécesseur de Macky Sall avait trouvé des échos par au-delà les frontières du pays.

Certes il n’a pas pu à empêcher la candidature du Pape du Sopi mais a contribué à sa perte du pouvoir. A travers des campagnes de sensibilisation dont les plus en vu : « Dass fananal », nouveau type de sénégalais (NTS), ils avaient conscientisé un grand nombre de jeunes en âge de vote sur l’importance de leur choix dans les urnes. Ce que ce choix bon an mal an peut représenter pour  leur devenir. Et ces jeunes requinqués par le poids de leur carte d’électeur avaient massivement voté contre Wade. Et ce dernier, comme des grains de sable entre les doigts, vit le pouvoir lui échapper.

Dans le contexte actuel où briguer un troisième mandat semble être dans l’air du temps, des barricades et des gardes fous sont encore une fois érigée. Les contestations ne faiblissent pas. Des initiatives sont déjà lancées.

En atteste le concert de Didier Awadi et de l’artiste ivoirien Meiway qui devait ce tenir ce week-end à Dakar. Finalement interdit par le préfet de la capitale Sénégalaise. Ce concert qui œuvre pour la limitation des mandats en Afrique devait rassembler des artistes de onze pays d’Afrique. Ayant tous le même objectif : la limitation des mandats dans leurs différents Etats.

Dans la même mouvance le mouvement dit panafricaniste  Frapp France dégage se mue en Frapp Macky dégage, le temps d’une campagne contre un éventuel troisième mandat de Macky Sall. Ainsi donc est né Frapp « Macky dégage ! Gor Ca Wax Ja ! 2024 c’est fini ! » Dans la lettre de déclaration dudit mouvement on peut retenir ce qui suit « défendre la Constitution et empêcher la troisième candidature illégale et illégitime de Macky Sall (…), faire face à Macky Sall le jour où il osera annoncer qu’il va piétiner la Constitution du Sénégal ». Suffisant donc pour sonner le glas et mettre davantage la pression sur les partisans et défenseurs d’un troisième mandat, telle parait la nouvelle stratégie de Guy Marius Sagna et compagnies.

Dans le contexte actuel avec l’avènement des alternances dans certains Etats de l’Afrique, il était impensable voire inimaginable de penser à des forcings ou tripatouillages des constitutions à des fins électoralistes. Mais que nenni. Dans la majorité des Etats du continent, couve un feu qui peut à tout moment s’embraser : car des dirigeants au pouvoir après des décennies et des décennies en veulent toujours.