Qu’est-ce que René Capain Bassène et ses codétenus font encore en prison, maintenant que les Autorités ont fini de démontrer qu’il était possible de localiser César Atoute Badiate, de prendre langue avec lui et d’obtenir de lui, en personne, le 4 août 2022 à Bissau, la signature d’un « accord de paix et de dépôt des armes », sous l’égide de la Guinée-Bissau ?
Pour rappel, le 6 janvier 2018, quatorze braconniers, communément appelés « coupeurs de bois », sont massacrés dans la forêt dite de Boffa-Bayottes, dans le sud-ouest de Ziguinchor. Et très rapidement le coupable sera désigné : une main du MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance).
César Atoute Badiate, chef de la principale faction du Front Sud dudit mouvement, est alors dans le collimateur de la Justice, tandis que René Capain Bassène ainsi que plusieurs autres personnes sont arrêtés et jetés en prison.
Il s’ensuit une enquête, ou plutôt des enquêtes, qui aboutissent à plusieurs inculpations dont les principales sont celles de César Atoute Badiate, de René Capain Bassène et de Ampoï Bodian.
Puis survient un procès, le « procès Boffa-Bayottes », à l’issue duquel César Atoute Badiate, René Capain Bassène et Ampoï Bodian sont condamnés tous les trois à la réclusion criminelle à perpétuité. C’était le 13 juin 2022.
René Capain Bassène et Ampoï Bodian ainsi que d’autres détenus seront maintenus en prison, d’autres relaxés, tandis que César Atoute Badiate sera quant à lui toujours déclaré en cavale. Sa condamnation est donc une condamnation par contumace.
Or, le 4 août 2022, le monde entier apprend, par un tweet du président Macky Sall, que le Sénégal et le Comité Provisoire des Ailes politiques et combattantes du MFDC ont signé le même jour à Bissau, sous l’égide de la Guinée-Bissau, un « accord de paix et de dépôt des armes », paraphé : pour l’Etat sénégalais par l’Amiral Papa Farba Sarr, pour le Comité Provisoire des Ailes politiques et combattantes du MFDC par Lansana Fabouré (Coordonnateur) et par le Général Chef d’Etat-Major César Aoute Badiate, pour l’Etat bissau-guinéen par le Général Samuel Fernandes, et pour le Centre pour le Dialogue Humanitaire (HD) par Alexandre Liebeskind (Directeur Régional Afrique Francophone) et par Freddy Nkurikiye (Conseiller Senior).
On découvrira, dans ledit accord de paix et de dépôt des armes, en son préambule, que le processus, qui y a concouru, a débuté le 12 juin 2019 (1ère rencontre) à Banjul, en Gambie, pour être couronné les 3 et 4 août 2022 (7ème et dernière rencontre avant signature de l’accord) à Bissau, en Guinée-Bissau ; en passant par Tambacounda les 4 et 5 novembre 2020 (2ème rencontre) et par Praia, au Cabo Verde, les 8 et 9 avril 2021 (3ème rencontre), les 14 et 15 juillet 2021 (4ème rencontre) et les 17 et 18 novembre 2021 (5ème rencontre).
En clair, pendant que se déroulent les enquêtes puis le « procès Boffa-Bayottes », l’Etat sénégalais négocie avec César Atoute Badiate, aidé en cela par l’Etat bissau-guinéen et l’ONG HD.
Il y a là, manifestement, de la part des deux Etats et de HD, une entrave délibérée à la Justice, une obstruction volontaire à la bonne marche de la Justice relativement à l’affaire dite de Boffa-Bayottes.
Voilà pourquoi, nous appelons de nos vœux – nous l’exigeons même ! – la révision sans délai du « procès Boffa-Bayottes ».
Dans un Etat de droit, une telle révision n’est pas seulement une possibilité : elle est une nécessité.
Or, le Sénégal se veut un Etat de droit.
En l’espèce, qui plus est, ne devrait-on pas ester en justice contre les deux Etats et HD pour entrave délibérée à la Justice dans l’affaire dite de Boffa-Bayottes ?
Dakar, le 7 août 2022.
Jean-Marie François BIAGUI
Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)
Ancien Secrétaire Général du MFDC