Selon les résultats provisoires officiels proclamés par la Commission Nationale de Recensement des votes, la coalition Benno Bokk Yakaar est arrivée en tête avec 1.518.137 voix ce qui lui confère un total de 82 sièges à l’hémicycle, soit 49,69% des 165 sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale ; la coalition Yewwi Askan avec 1.071.139 voix qui lui donnent 56 députés des 165 sièges à pourvoir, soit 33,93 % ; et la coalition Wallu Sénégal, avec 471.517 voix, qui lui donnent 24 Députés des 165 sièges à pourvoir, soit 14, 54% des sièges.
Donc, incontestablement, la coalition BBY dispose d’une majorité relative tant au niveau du vote populaire qu’au niveau de l’Assemblée nationale, avec ses 82 Députés et 49, 69% des sièges, mais ne dispose pas d’une majorité qualifiée qui est de de plus de 50% des sièges,soit, 83 Députés !
Ainsi pour faire adopter ses projets de lois ordinaires, dont les projets de Loi des Finances Initiales(LFI), et le Projet de Loi des Finances Rectificatives (LFR), afin de mettre en œuvre ses politiques publiques , le Président de la république Macky Sall est tenu à se concerter avec son opposition parlementaire pour obtenir les 83 députés qui lui sont nécessaires à cet effet !
Par contre, ni YEWI , ni WALLU , seul, et même ensemble, en alliance à l’Assemblée nationale, avec leur 80 députés , soit 48 , 7% des sièges, ne peuvent ni imposer au Président Macky Sall, le transfert du pouvoir Exécutif à un Premier Ministre qu’il aurait désigné pour former un gouvernement, ni faire tomber un gouvernement nommé par le Président Macky Sall, ni par vote de défiance, ni par motion de Censure !
Leur rêve de Cohabitation dans l’Exécutif s’est ainsi évanoui, comme l’a été celui de Mélenchon de la « France Insoumise » !
Même , leur alliance parvenait à rallier à sa cause les 3 Députés restants de l’opposition pour disposer d’une majorité qualifiée, avec 83 députés, elle n’aurait pas la majorité absolue nécessaire, soit les 2/3 des 165 Députés, des pour ce faire !
Ainsi, l’inter-coalition YEWI-WALLU se trouve dans la même situation que celle de la Coalition NUPES en France, qui n’est parvenue à empêcher ni la nomination d’une Première Ministre par le Président Macron, ni empêcher que son projet de loi ordinaire sur le « pouvoir d’achat », soit adopté à l’assemblée nationale ;
Il lui a donc fallu se concerter avec les autres composantes de l’opposition parlementaire à cet effet, sans qu’aucun Français n’est décrié ces accords comme le fruit « d’achat de conscience », ou de « trahison de leur électorat » !
Au cotraire,le peuple Français a salué ces accords, comme le fruit d’un fonctionnement normal de la démocratie parlementaire, alors qu’au Sénégal, par déficit de culture de « Démocratie parlementaire » cela aurait été perçu comme une abomination !
C’est pour cela que le Président Macky Sall, comme le reste de notre opposition parlementaire, sont tous victimes de ce déficit de « démocratie parlementaire » !
Ce qui est paradoxale, c’est que l’on veuille faire accepter un probable ralliement des 3 Députés aux positions de l’inter-coalition YEWI-WALLU, sous prétexte qu’ils sont aussi de l’opposition, tout en voulant faire considérer un tel ralliement aux positions de BBy comme le fruit d’une abomination !
Notre opinion publique est prisonnière de ce déficit de culture de « Démocratie parlementaire »
Pourtant cette configuration de notre Assemblée nationale est, certes, une nouveauté dans notre vie parlementaire, mais ne l’est pas dans les Démocraties occidentales de » régime Présidentiel »
Que ce soit un régime Présidentiel autocentré ,comme aux Etats Unis, ou déconcentré ,comme en France, le Président de la République et Chef de l’Exécutif en même temps, est obligé dans ce cas de figure, qui vient de nous arriver au Sénégal, de se concerter avec son opposition parlementaire pour trouver des consensus autour de ses projets de loi, pour pouvoir gouverner ;
Avec ces Législatives du 31juillet 2022, le peuple Sénégalais a rompu avec les majorités monolithiques qualifiées, ou absolues qu’il a connues depuis 1960ce.
Par son suffrage, il a exprimé sa volonté de tourner la page vers des majorités consensuelles pour asseoir les bases d’un gouvernement de large consensus pour la stabilité et la paix civile dans le pays ;
Comprendre ce virage historique est la principale leçon des Législatives du 31 juillet 2022, tandis que travailler « aux retrouvailles » de la famille libérale à l’assemblée nationale pour gouverner ensemble, c’est ramer à contrecourant, en ressuscitant le clivage « Gauche-Droite » qui a plombé le pays durant les 20 premières années de son Indépendance.
L’absence d’un large consensus au Parlement en maintenant le clivage « Républicains-Démocrates » sur des bases idéologiques a aussi plombé l’Etat américain
sous OBAMA, sous TRUMP, et, aujourd’hui, sous Biden !
Ainsi, faute de consensus sur leur projet de budget, les Etats Unis ont connu, ce qui est entré dans l’Histoire politique de ce pays comme « un Chut Down », qui fait que le Président gouverne sans budget fédéral, ni pouvoir payer une bonne partie des agents de l’Etat, sans que cela n’est bloqué le fonctionnement de l’Etat, ni entraîner un mouvement de grève chez les agents de l’Etat
Au Sénégal, faute de majorité qualifiée pour voter le budget le Président de la République peut aussi continuer à pouvoir disposer de son budget précédent, pour faire marcher l’Etat, payer ses agents, et investir ! Mais, il ne peut augmenter ses recettes budgétaires, ni par voie fiscale, ni par emprunt, par conséquent, il ne peut plus augmenter de nouveau les salaires des agents de l’Etat, ni faire de nouveaux investissements !
Dans ce cas de figure, les victimes désignées sont les agents de l’Etat qui voudraient une nouvelle revalorisation de leur rémunération, et les populations en attente d’ investissements publics !
Il faut libérer notre peuple de l’inculture politique de ses élites politiques et de la société civile, qui génère un déficit de culture » de « Démocratie parlementaire » !
Ibrahima SENE PIT-SENEGAL7 août 2022